
F comme fasciste et N comme nazi, à bas, à bas, le Front national…, c’est au moment où le FN commençait à faire des gros scores dans les années 80 que se déroule cette chasse aux nazillons et aux fascisants. Pour la mener, les Redskins et Blacks dragons, certes, mais en l’espèce, ici, une organisation de défense juive. Et parmi elle, une famille hétéroclite qui sait se faire respecter. C’est bon, c’est long et c’est très bien scénarisé. Et n’oubliez pas qu’il faut toujours protéger les cibles d’Amalek.
L’histoire : dans la famille Kravitz, à la fin des années 70, les garçons ne sont pas de sages écoliers. Plutôt des bagarreurs qui mettent leur envie de castagne au service de l’Organisation juive de défense. Pendant une dizaine d’années, ils vont s’en prendre aux milieux d’extrême droite qui remontent en puissance. Avec une violence qui va aller crescendo. Une saga familiale qui risque de pas forcément bien se terminer.
Mon avis : c’est un récit extrêmement captivant, haletant qui nous ramène quarante ans en arrière quand les nazillons pullulaient dans la capitale. Quand il s’agissait de faire le coup de poing et de ne pas laisser le pavé à l’extrême droite. Le scénario est bien construit et le nombre de pages de la BD, quelque 200, permet de dérouler la trame jusqu’au bout. Ce choix de pagination longue pour la discipline permet de développer aussi bien l’intrigue principale que ses dérivatifs et nous plonge plus encore à l’intérieur de ce récit.
L’autre avantage, c’est qu’on est plus au fait de la montée en puissance violente de l’extrême droite dans les années 80 après cette lecture. Aujourd’hui bien qu’elle soit banalisée et aux porte du pouvoir, elle n’est que l’héritage de cette période, elle-même la fille aînée de l’horreur des années 30 à la fin de la Seconde guerre mondiale. Ne pas oublier que cette frange populisto-nationaliste est l’héritière de sa devancière qui a pratiqué l’attentat et la foire aux marrons comme programme politique.
Ce qui m’a gêné, en revanche, c’est le mélange des genres. Réalité et fiction se côtoient dans des proportions inégales. Ce déséquilibre induit le lecteur non pas en erreur mais en doute. On ne sait pas ce qui a existé et ce qui est inventé. Tel leader d’extrême droite a-t-il une réelle existence et telle organisation ? Les questions, que je me suis posées, j’ai dû aller les trancher moi-même. Et la bande dessinée ne doit pas être cet entre-deux. J’aurais préféré soit un récit totalement fictionnelle, ce qui est largement le cas, soit documentaire. Histoire de savoir sur quel pied danser.
Cela reste un bouquin à lire pour toutes les raisons pré-citées mais c’eût pu être encore plus clair et moins insécurisant pour lecteur.






En accompagnement : à voir sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel, Serge Klarsfeld et le Front national : du combat à la validation, un article édifiant sur l’aveuglement d’une partie des Français juifs sur l’extrême droite.
Autour de la BD : on ne présente plus Corbeyran et ses plus de 400 albums. Il est associé au stylo à David Rybojad, journaliste qui se lance dans l’écriture de scenarii. Au crayon, Nicolas Bègue, depuis ses débuts en 2017, commence à avoir une jolie carte de visite (L’ange d’Yeu, Clos de Bourgogne, Hérauts…)
Les + : les scènes d’action, l’intrigue, les symboliques
Les – : les incertitudes entre réalité et fiction
- Scénario : Corbeyran et David Rybojad
- Dessin : Nicolas Begue
- Editeur : Delcourt
- Prix : 23,95 €