
Du protectorat français à l’indépendance consentie, de la démocratie terroriste du père Assad aux atrocités répétées de son fils, des volte-faces des dirigeants de l’Hexagone aux croyances en la Grande Syrie, des marxistes panarabistes aux islamistes sunnites, voici un précis de 50 ans de “Je t’aime, moi non plus” entre Paris et Damas. A lire absolument pour mieux percevoir la réalité de ces derniers jours.
L’histoire : 1920-2020, un siècle de relations toxiques, dignes des montagnes russes entre la France et la Syrie. 50 ans pour se rappeler quels furent les rapports étroits et les interactions historiques entre les deux nations. Et 50 ans, pour mieux dénouer le fil des comportements entremêlés, distants et dangereux entre la dynastie Assad et les différents présidents de la République française. France – Syrie, les noces sanglantes. On part d’il y a 100 ans et on se concentre sur les 50 ans de règne des Assad.
Mon avis : ce récit est une mine d’informations qui permettent de lever un coin du voile sur les relations de la France avec le Proche-Orient. En particulier, la Syrie, certes mais également tous ses voisins. Dans cette région, qui concentre des enjeux économiques, communautaires, religieux, militaires très forts, pas grand-chose ne se passe par hasard. Les actions des uns et des autres, les compromissions, les renoncements s’entremêlent dans une gigantesque toile d’araignée. Bien malin celui qui parvient à s’y retrouver. Cette bande dessinée est une aide précieuse.
Bande dessinée ou documentaire dessiné. C’est un livre magnifiquement illustré plus que des planches dessinées mues par des bulles. De bulles, il n’en est d’ailleurs pas question. Ou très peu. La plupart des écrits sont ceux du narrateur, Jean-Claude Bartoll. Évidemment, pas ceux des principaux intéressés dont la parole eût été difficile à aller dénicher. Autre aspect connexe, il vous faudra du temps pour engloutir ces quelque 136 pages. Ménagez-vous des pauses car la matière est dense, les références nombreuses, mais rassurez-vous, les notes de bas de pages sont précieuses.
Ce que nous rapporte l’auteur éclaire toutes les zones d’ombres qui peuplent notre mémoire et notre compréhension d’un Middle-East en feu. Cette BD, parue en septembre, mérite une relecture attentive à la lumière de la déchéance de Bachar al-Assad en ce début décembre. Le lion, al assad en arabe, est mort politiquement, contraint de fuir en Russie, là non plus, ce n’est pas un hasard. Et, pour sûr, que Jean-Claude Bartoll ne s’y attendait pas de sitôt. On en apprend, en tout cas, beaucoup sur la Syrie des Assad. Une sacrée leçon d’histoire que cet ouvrage.
En accompagnement : lire Mémoires d’Orient, le soleil ne se lève plus à l’Est, d’un excellent connaisseur du Proche-Orient, Bernard Bajolet, ancien diplomate et directeur de la DGSE.






Autour de la BD : écrivain, journaliste, scénariste de BD, diplômé en relations internationales, Jean-Claude Bartoll a notamment traduit en bandes dessinés ses enquêtes sur le Mossad ou le 11-Septembre. Au crayon, Nicolas Otero offre un trait tranchant et ultra-précis. On l’a beaucoup apprécié sur Jusqu’à Raqqa.
Les + : la densité d’infos, la colorisation pastel avec le noir tranchant, la pédagogie des faits
Les – : pas fait pour ceux qui veulent du divertissement
- Scénario : Jean-Claude Bartoll
- Dessin : Nicolas Otero
- Couleurs : 1ver2anes
- Editeur : Delcourt
- Prix : 18,95 €