C’est un Sherlock Holmes toujours aussi british mais modernisé qui se lance à la recherche de meurtriers au rituel qui fait froid dans le dos. Toujours un peu pédant, le super détective s’encanaille de plus en plus pour tenter d’approcher la vérité. Au point d’enfouir sa morale bien au fond de sa poche. Rafraîchissant.

L’histoire : fais pas bon vivre au bord de la Tamise en cette fin de XIXe siècle. Surtout quand on est un enfant de basse extraction de l’East end londonien. Deux d’entre eux sont retrouvés assassinés, bouche cousue et masque figé sur le visage. Devant cette horreur absolue, il y a besoin d’un véritable génie de la résolution des crimes : Sherlock Holmes évidemment. Le détective va devoir s’employer, avec son compère, Watson, et frayer dans les milieux anarchistes pour essayer de dénicher une piste.
Mon avis : Sherlock Holmes est un pragmatique. Pas un idéologue. Pour lui, la fin justifie les moyens. Face au conformisme grand bourgeois et nauséeux du Docteur Watson, la créature de Sir Arthur Conan Doyle oppose un froid opportunisme, sans se boucher le nez et n’hésite pas à faire appel au vil peuple, au lumpenprolétariat pour avancer dans une énigme. C’est un Holmes, qui ne s’embarrasse pas de contraintes morales que l’on est amené à redécouvrir.
Ce coup de pinceau fait du bien, il permet de ripoliner un peu l’image vénérable du locataire du 221 B Baker street. On l’a connu en roman, en BD, en film, en dessin animé, bref à toutes les sauces. De partout. Si bien le héros nous lassait quelque peu, cette nouvelle enquête légèrement apocryphe construite de main de maître par l’illustre Jean-Pierre Pécau nous permet également de rencontrer des personnages d’époque pas piqués des hannetons. Tels Félix Fénéon ou Henri de Toulouse-Lautrec.
Il y a une véritable fidélité au personnage de fiction mais également des libertés prises qui renouvellent un peu le genre. On a pris du plaisir à dévorer ce premier acte. D’autant plus que le dessin de Michel Suro confère au scénario un je-ne-sais-quoi de mystère en plus. Servi par un trait tranchant, vif et réaliste. On n’a pas de franches réserves sur ce premier opus.


En accompagnement : à lire avec la voix chaude et rocailleuse de ce bon vieux Léo qui interprète Les Anarchistes.
Autour de la BD : Jean-Pierre Pécau est l’un des papes de la BD historique, plus besoin de le présenter, ses créations parlent pour lui. C’est un scénariste très pointu et très précis qui ne laisse pas beaucoup de place à l’imprécision. Le constat se vérifie encore ici. Michel Suro a été très apprécié dans Sundance mais aussi dans Les reines de sang avec Jeanne, la mâle reine.


Les + : la revisite du héros, la densité et la complexité du scénario
Les – : je donne ma langue au chat.
- Scénario : Jean-Pierre Pécau
- Dessin : Michel Suro
- Editeur : Soleil
- Prix : 15,50 €