
Dans une Allemagne occupée par l’…Empire du milieu au mitan des années 70, l’ambiance n’est pas à la franche rigolade. Un boucher épouvante la populace en frappant à tour de bras et de façon assez éhontée. Et les Chinois font peser leur domination de la même façon. Pas le lieu idéal pour défendre le sens de la Justice mais on ne décide pas où on naît. Viktor Eberhard va tenter de reprendre le flambeau et de remettre de l’ordre. A ses risques et périls.
L’histoire : un grand malade sévit dans les allées berlinoises sous domination chinoise. En fait, deux. Un virus qui ne touche que les occidentaux et dont l’antidote est dans les mains asiates, ce qui leur permet de dominer l’Europe. Et un second qui charcute des citoyens d’une drôle de manière. L’inspecteur Eberhard va tenter de démêler l’écheveau qui entoure le parcours du tueur en série. Au risque de s’attirer les foudres des occupants.
Mon avis : vous croyiez Berlin sous domination occidentale et russe en cette bonne année 1975 ? Que nenni, ce sont les Chinois qui ont mis sous leur coupe la capitale allemande. Grâce à un virus très meurtrier qui ne s’attaque qu’aux Européens et à un providentiel vaccin trouvé par la République populaire de Chine, le royaume de Mao Zedong occupe le territoire teuton. C’est le point de départ de ce récit uchronique qui rappelle de tristes heures à des pays sous le joug totalitaire. Et ce point de départ original lance parfaitement ce récit et agit comme un fil rouge lénifiant dans cette ambiance feutrée en noir et blanc.
Le mécanisme oppressif, ou en tout cas l’ambiance qui en résulte, suinte par tous les pores de ce scénario. Avec un peuple allemand en butte à l’absurde des règles de l’occupant qui navigue entre forme d’adhésion, de passivité ou de résistance. Le schéma est systématiquement le même que ce soit à l’extrême droite ou à l’extrême gauche. Avec d’émouvantes et très sincères rédemptions publiques censées valider l’exemplarité du système.
L’atmosphère à Berlin est traduite par une espère de fatalisme. Qui colle parfaitement à la peau de Viktor Eberhard, flic respecté dont la marge de manœuvre est ténue, talonné par les services secrets coco. Cet anti-héros ne veut pas se mêler politique mais professe son sens de la justice qui le pousse à bousculer les obstacles sur son chemin. Là, il s’agit de découvrir l’identité du Boucher du Tiergarten, un sympathique zozo qui tue ses victimes, en série, certes mais qui a le bon goût de disposer les organes du châtié en dehors de son corps.
Eberhard va risquer gros car son enquête semble le mener pas nécessairement là où le régime voudrait qu’il furette. Un récit qui questionne autant qu’il passionne. Manipulations politiques, fakes news médicales, extrêmes au pouvoir, tiens, ça pourrait même nous servir dans les années à venir. Leider, comme disent les Teutons.
En accompagnement : tous les polars historiques de l’inspecteur Bernie Gunther, magistralement décrits pas l’excellent Philip Kerr.
Autour de la BD : on doit ce joli objet à l’auteur belge Clarke qui a trouvé l’inspiration pendant le confinement et qui a derrière lui une jolie suite de récits réalistes comme Aire libre ou Urielle.
Les + : l’idée originale, le personnage de Viktor Eberhard.
Les – : on espère juste que ce ne sera pas un one shot…
- Scénario et dessin : Clarke
- Éditeur : Soleil
- Prix : 17,95 €