
La vie n’est pas un long fleuve tranquille pour le jeune Gunthrie. Son père est mort, sa mère l’ignore et ses frères l’effraient. Malgré tout ça, il marche droit dans ses bottes. Plus droit que cette Amérique de pionniers où tout le monde a envie d’abattre tout le monde. Dans cet univers impitoyable, le môme s’offre une odyssée aussi périlleuse qu’intrépide. Le tout, au nom du père.
L’histoire : haut comme trois pommes dans ce far-west non dompté, Gunthrie quitte sa famille pour aller rendre un dernier hommage à son père décédé lors d’une escarmouche contre des Indiens. L’idée, glisser son fusil dans sa tombe. Le tout étant de la retrouver. Sauf que juste après le départ de Gunthrie, suivi en cachette par sa soeur Joe, des desperados viennent faire un carnage dans la ferme familiale. A la recherche d’une vieille pétoire… La course-poursuite peut commencer.
Mon avis : on se laisse facilement embarquer dans ce scénario malgré quelques raccourcis et facilités d’écriture que s’est octroyé l’auteur. Déjà, parce que le rythme est endiablé. On ne reste jamais très longtemps dans le même coin dans un espèce de road-movie un peu foutraque et diablement violent. Aussi parce que les personnages sont bien campés. Avec des salauds, les agresseurs vite identifiés ; un ingénu, Gunthrie qui affiche une candeur et une naïveté désarmantes ; une finaude, Joe, qui capte tout et qui sait mener sa barque ; et, enfin, l’opportuniste, le paternel, censé être six pieds sous terre, mais toujours aussi cupide et encombrant. Enfin, par la grâce, d’un coup de théâtre bien caché d’abord, puis exploité ensuite.
Cette BD fonctionne aussi grâce à sa dimension universelle et son thème de la famille. Elle nous décrit un simulacre de famille, une entité complètement déchirée, où chacun ne fait à peu près qu’à penser à lui. Où chacun se déteste et personne ne se parle. C’est évidemment un cas extrême mais chacun pourra y trouver des aspects qu’il connaît dans son milieu proche. Le mal, donc, et son antidote. Puisque les péripéties et les dangers que traversent les deux petits héros et le fatigant daron parviennent à les souder suffisamment pour envisager de refonder une vraie famille…
Tous les codes du western sont bien présents, manque juste quelques tumbleweeds virevoltants dans les rues sableuses pour y être définitivement. Mais l’ambiance est délétère au possible. Et comme souvent, c’est dans le sang que les liens du sang ressurgissent.
En accompagnement : on se remate Le bon, la brute et le truand, offert par Don Sergio Leone il y a près de barreaux.
Autour de la BD : prolifique est un adjectif qui colle bien à la carrière du Provençal Christophe Cazenove. Son catalogue de scenarii est long comme un jour sans pain et il n’hésite pas à varier les styles (Boule et Bill, Gladiatorus, Les sisters…). Son compère, au crayon, Serge Carrère est très apprécié sur Léo Loden ou Achille Talon.
Les + : le dessin de Carrère, le rythme de Cazenove, mais aussi le cliffhanger de la mort du père
Les – : des vétilles de scénario mais le gamin qui ne reconnaît pas son père ou la môme qui à un moment ne sait pas si sa famille est morte et qui l’affirme quelques cases plus loin sans aucune nouveauté, pourtant… C’eût pu être plus précis.
- Scénario : Christophe Cazenove
- Dessin : Serge Carrère
- Editeur : Soleil
- Prix : 14,95 €